samedi, 11 octobre 2008
Une histoire d'entartage
"J’admire son sang-froid, dont voici une anecdote emblématique. Sur le chemin de la Maison de l’Amérique latine à Paris, où je l’accompagnais pour un débat, il se fait entarter, non par l’entarteur « professionnel », Le Gloupier, mais par un plagiaire. Avec une tarte aux myrtilles. Dans l’instant, je fonce sur l’agresseur, et lui saute dessus. Un passant, me croyant aux prises avec un voleur de sacs, me prête main-forte. J’écume. Je parle d’appeler la police. Alors Sollers arrive, tel un spectre, violet de myrtilles. Il me dit de laisser là l’entarteur, et de repartir pour où nous allions. Et pas question d’appeler la police. Il s’approche juste un peu de l’homme qui le traite de « bouffon médiatique » et force la voix en disant : « Riez ! » puisque c’est censé être un gag, la tarte. L’autre est médusé. Sollers hausse encore un peu le ton : « Riez ! Mais riez donc ! » L’autre ne rit pas du tout : l’injonction le terrorise. Et Sollers tourne les talons. À la Maison de l’Amérique latine, où l’on s’inquiétait, on est plutôt stupéfaits de l’apparition. Il demande de quoi s’essuyer et se laver le visage, me tend son imperméable maculé de myrtilles, mon manteau est tout collant aussi. Il entre dans la salle de débat, prie qu’on l’excuse de son retard et parle pendant presque une heure absolument comme si de rien n’était. Moi, quand vient mon tour, je suis encore tremblante de colère. Sans doute, ai-je dit pour amuser certains amis presents, parce que Je n al pas pu cogner assez fort sur l’entarteur..."
Josyane Savigneau, extrait de "Point de côté"
02:10 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philippe sollers, josyane savigneau, entartage
jeudi, 04 septembre 2008
Plutôt Michel-Ange que les gros bouddhas peinturlurés
Lire ici dans le Journal du mois de Philippe Sollers
Michel-Ange, La Tentation d'Adam et Eve, détail, la Chapelle Sixtine
00:20 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art, peinture, michel-ange, philippe sollers
mardi, 02 septembre 2008
Oublier...
Les hommes demanderont de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines
Philippe Sollers
08:33 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : machine, citation, philippe sollers
Cette absurdité cohérente
Pour parler carrément de métaphysique, mon attirance va donc à l’Église catholique, apostolique et romaine, dont l’histoire ténébreuse et lumineuse m’enchante. Des kilomètres d’archives souterraines, des saints dans les greniers, des diplomates dans les caves, des informateurs partout, de la charité, des hôpitaux, des mouroirs, des martyrs, un contact permanent avec la pauvreté et la misère, sans parler de l’audition impassible des impasses organiques en tout genre, et, par-dessus tout ça, une richesse et un luxe insolents, bref un Himalaya de paradoxes. Cette absurdité cohérente me plaît. En un mot : je n’aime pas qu’on veuille assassiner les papes.
(Philippe Sollers, UN VRAI ROMAN, Éditions Plon, 2007)
02:42 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, un vrai roman, littérature, pape, ange souriant, reims
lundi, 01 septembre 2008
Une hypothèse vertigineuse
Le temps, c’est de l’argent. Eh non… Pas seulement. C’est de l’argent pour une petite part, pour de la petite monnaie, et c’est pour cela que le ressentiment et l’esprit de vengeance, bloqués sur la transaction économico-politique, autrement dit financière, en veulent tellement et constamment, à n’en plus finir, chaque jour, à chaque instant et en ce moment même, au temps. Il fallait leur opposer une hypothèse vertigineuse : c’est l’Éternel Retour.
(Philippe Sollers, L'ÉVANGILE DE NIETZSCHE, Éd. le cherche midi, 2006)
01:10 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : éternel retour, inde, nietzsche, nina houzel, philippe sollers
vendredi, 22 août 2008
Lire
"Ma stratégie a toujours été simple : elle consiste à inviter les gens à lire. C’est dans les textes que s’opèrent les identifications décisives. "
Philippe Sollers
08:56 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lire, philippe sollers, lecture
L'aventure humaine
« Depuis toujours, je forme ce projet d’écrire à qui serait situé à des milliers de kilomètres et d’années de ma propre existence, à un être sans attaches, sans croyances, sans amours, et seulement capable d’émotion pour ce qui importe : l’aventure humaine. »
Philippe Sollers, Une curieuse solitude
07:22 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, philippe sollers, une curieuse solitude
Nous sommes dans une Quatrième Guerre mondiale
On voit donc se dessiner l’enjeu militaire planétaire du XXIe siècle : il opposera les Etats-Unis à la Chine. Nous sommes dans une Quatrième Guerre mondiale, la troisième ayant été gagnée contre les Russes, à la fois par les Américains, pour la force de frappe et la guerre des étoiles, les Anglais, pour l’espionnage, et Jean- Paul II, pour le combat spirituel. Avec les Chinois, cela va être une autre paire de manches. [...]
Il y a une guerre incessante : celle qui nous saute à la figure à travers le terrorisme déchaîné par la stratégie directe. Et une guerre plus secrète qui se mène sans cesse, pas seulement économique, et dont les Chinois sont en train de tirer la plupart des fils. Si l’adversaire est unilatéral, je vais faire du multilatéralisme ; comme l’adversaire est capitaliste, je vais devenir encore plus capitaliste. Pratiquer la défensive stratégique, utiliser la force de l’adversaire pour la retourner en ma faveur. Le Chinois s’appuie d’instinct sur la compréhension interne de ce que l’adversaire ose, veut, calcule et est obligé de faire. Il mène une guerre défensive qui peut durer une éternité : sa conception du temps n’est pas la nôtre. Cette guerre peut se prolonger indéfiniment pour user l’adversaire. Elle ne cherche pas l’anéantissement, mais la domination. C’est donc en prenant le point de vue chinois qu’on voit l’histoire de la métaphysique s’achever dans sa propre perversion : dans le nihilisme accompli, qui peut tout à fait être emprunté par la logique chinoise sans qu’elle sorte réellement de sa propre substance. L’être, le non-être, le néant sont redistribués autrement.
Philippe Sollers, Guerres secrètes
Roy Lichtenstein
00:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : géopolitique, politique, guerres secrètes, philippe sollers
jeudi, 21 août 2008
A propos de "Guerres secrètes"
02:45 Publié dans Interview | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, guerres secrètes
lundi, 18 août 2008
Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir
« J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N’oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain en somme… Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine… Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir… Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu’on soit là pour. Qu’on existe et qu’on agisse pour. Qu’on pense en fonction d’eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir. »
Philippe Sollers, Le Secret
Roy Lichtenstein
16:27 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, philippe sollers, le secret, lichtenstein
dimanche, 17 août 2008
A propos d'"Un Vrai roman"
09:32 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philippe sollers, un vrai roman
vendredi, 15 août 2008
Prix Saint-Simon
Un livre pour rappeler, par exemple, que l’élection d’un pape polonais fut, avec le schisme sino-soviétique, l’événement majeur de la seconde moitié du siècle dernier.
Un livre pour dire, premièrement, que Dieu est mais n’existe pas - et, deuxièmement, que le Diable n’est pas le malin que l’on croit, qu’il est l’inintelligence même, la bêtise personnifiée, le mauvais goût, l’ignorance.
Un livre sur l’Eternel Retour entendu comme un test, juste un test, destiné à vérifier que nous désirons assez les choses pour vouloir qu’elles reviennent, à jamais, indéfiniment.
Un livre sur Venise qui, ici, s’écrit « Veni etiam » - viens encore, viens toujours, reviens.
06:07 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, saint-simon, philippe sollers
lundi, 04 août 2008
Un miracle ? D’accord, mais pas trop.
Lazare, ressuscité aujourd’hui, ferait bien trois semaines de magazines et de télé, serait décoré de la Légion d’honneur, après quoi on lui demanderait de rentrer tranquillement dans sa tombe. Un miracle ? D’accord, mais pas trop.
Lire ici le Journal du mois de Philippe Sollers, juillet 2008 dans le JDD
04:36 Publié dans Actu | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, journal du mois, juillet 2008, ingrid betancourt, sandrick le maguer
samedi, 28 juin 2008
Sur la question du corps
Une saison en enfer se termine par la phrase suivante : « Et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. » Qu’est-ce que ça veut dire : posséder la vérité dans une âme et un corps ? « Loisible », quel mot ! Et puis « posséder » ? Ah, posséder la vérité ! Comment ne pas se faire posséder ? C’est l’expérience de Dostoïevski : dans les souterrains, vous avez affaire à des possédés. Vous les laissez se demander pourquoi ils le sont. C’est à eux de trouver la réponse. J’aime ce mot-là, même argotiquement : être possédé ou non. Un style, on n’arrive pas à le posséder du dehors. Hôlderlin dit, par exemple, que le poète est un demi-dieu. Sa position est très difficile, parce que d’un côté il a affaire à la jalousie rituelle des dieux qui peuvent le rendre fou. Mais il a aussi à se défendre des mortels qui sont par rapport à lui (pour autant que ce verbe est fait de chair) dans une avidité particulière, provoquant des désirs passionnels qui peuvent aller jusqu’à la mise à mort. Alors, entre devenir fou et se faire crucifier par désir, par appropriation désirante, la voie est assez étroite, n’est-ce pas ? Le verbe fait chair est l’objet d’un violent investissement érotique, qui peut déboucher assez facilement sur le meurtre. Comme dit un libertin chez Sade : il ne faut pas que je vous désire trop, autrement vous allez y passer. Il dit cela à Juliette. Je ne vais pas vous regarder trop parce que, sinon, cela ira jusqu’au bout, je vous tuerai. Sade effraie parce qu’il dévoile, au fond, que tout corps veut la mort de l’autre. Peut-il y avoir un Éros, indépendant de la pulsion de mort, un Éros qui ne serait pas le « jumeau » de Thanatos ? Mais oui : c’est cela, le style. C’est un don, une grâce, une musique qui, au fond, n’ont rien d’humain. D’où la jalousie qu’il provoque. C’est ainsi.
Philippe Sollers, Eloge de l'infini (Interview de N. CASADEMONT)
05:22 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rimbaud, une saison en enfer, corps, philippe sollers, gildas pasquet
lundi, 09 juin 2008
Vers le dix juin
Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages, mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux, la respiration s’enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète, par plaques, a son intérêt.
Philippe Sollers, LA FÊTE À VENISE, début du roman
16:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juin, grands textes, philippe sollers, la fête à venise
mardi, 03 juin 2008
Là-haut
"Un jour, à Paris, Casanova est à l’Opéra, dans une loge voisine de celle de Mme de Pompadour. La bonne société s’amuse de son français approximatif, par exemple qu’il dise ne pas avoir froid chez lui parce que ses fenêtres sont bien " calfoutrées ". Il intrigue, on lui demande d’où il vient : " de Venise ". Madame de Pompadour : " De Venise ? Vous venez vraiment de là-bas ? " Casanova : " Venise n’est pas là-bas, Madame, mais là-haut. " Cette réflexion insolente frappe les spectateurs. Le soir même, Paris est à lui."
13:37 Publié dans Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, casanova, philippe sollers
samedi, 24 mai 2008
L’Adversaire
« Car l’Adversaire est inquiet. Ses réseaux de renseignement sont mauvais, sa police débordée, ses agents corrompus, ses amis peu sûrs, ses espions souvent retournés, ses femmes infidèles, sa toute-puissance ébranlée par la première guérilla venue. Il dépense des sommes considérables en contrôle, parle sans cesse en termes de calendrier ou d’images, achète tout, investit tout, vend tout, perd tout. Le temps lui file entre les doigts, l’espace est pour lui de moins en moins un refuge. Les mots « siècle » ou « millénaire » perdent leur sens dans sa propagande. Il voudrait bien avoir pour lui cinq ou dix ans, l’Adversaire, alors qu’il ne voit pas plus loin que le mois suivant. On pourrait dire ici, comme dans la Chine des Royaumes combattants, que « même les comédiens de Ts’in servent d’observateurs à Houei Ngan ». Le Maître est énorme et nu, sa carapace est sensible au plus petit coup d’épingle, c’est un Goliath à la merci du moindre frondeur, un Cyclope qui ne sait toujours pas qui s’appelle Personne, un Big Brother dont les caméras n’enregistrent que ses propres fantasmes, un Pavlov dont le chien n’obéit qu’une fois sur deux. Il calcule et communique beaucoup pour ne rien dire, l’Adversaire, il tourne en rond, il s’énerve, il ne comprend pas comment le langage a pu le déserter à ce point, il multiplie les informations, oublie ses rêves, fabrique des films barbants à la chaîne, s’endort devant ses films, croit toujours dur comme fer que l’argent, le sexe et la drogue mènent le monde, sent pourtant le sol se dérober sous ses pieds, est pris de vertige, en vient secrètement à préférer mourir. »
Philippe Sollers, Eloge de l’Infini. Janvier 2001
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, grands textes, philippe sollers, gildas pasquet
dimanche, 18 mai 2008
A propos de la pornographie ambiante
14:52 Publié dans Sessualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pornagraphie, inhibition, philippe sollers
mercredi, 14 mai 2008
Carnet de nuit, suite...
Ce n'est pas le temps qui fuit, mais une présence éveillée dans le temps
- Nabokov: "Dans une oeuvre d'imagination de premier ordre le conflit n'est pas entre les personnages, mais entre l'auteur et le lecteur."
Philippe Sollers, Folio, 4,20 €
05:22 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, carnet de nuit, nabokov
En feuilletant le Carnet de nuit de Philippe Sollers
Si tout le monde ne prenait plus rien, rigoureusement, au sérieux, le Messie serait là dans l'heure qui suit.
- Nietzsche : Les clowns et les danseurs de corde sont les seuls acteurs dont le talent est incontesté et absolu
- Quand deux individus se désirent vraiment, le démon souffre.
©Edward Steichen, Towards the Light - Midnight, 1908, épreuve au charbon et platinotype (tiré de l'exposition : Rodin et la photographie)
00:25 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, carnet de nuit, rodin